Coup d’œil sur les Québécois qui votent avec leurs pieds

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Paru dans La Presse, 28 Juin 2016

L’observation des tendances migratoires des Canadiens peut nous en apprendre beaucoup sur ce qui fonctionne bien et moins bien au sein d’une province. Choisir de déraciner la famille, de se départir de biens, de faire face à la recherche d’emploi et d’abandonner le confort du connu en quête d’une situation meilleure représente un geste incroyablement coûteux qui ne peut être pris à la légère. Dans cette optique, la migration des personnes entre les provinces constitue un indicateur clé du succès et de l’échec des politiques publiques. En se penchant sur cet indicateur, les résultats du Québec ont de quoi inquiéter.

Dans une étude menée récemment, nous avons examiné les tendances migratoires des Canadiens lors de la période allant de 1971-1972 à 2014-2015. Au cours de cette période, le Québec a cumulé un déficit migratoire interprovincial de 582 479 personnes. Le nombre de Québécois ayant décidé de quitter la province annuellement a ainsi dépassé en moyenne de 13 238 le nombre de personnes provenant d’autres provinces qui ont choisi de s’établir au Québec. En fait, le Québec est la seule province à avoir affiché un solde migratoire déficitaire au niveau interprovincial à chaque année au cours de la période étudiée.

Le sujet de cet article et les réalités du quotidien qu’il décrit sont bien connus. Les raisons pour lesquelles le Québec affiche un bilan migratoire si négatif comparativement aux autres provinces ont cependant été très peu étudiées jusqu’à présent. Pour éclaircir cette question, il faut d’abord distinguer les données qui portent sur les départs d’une province de celles qui concernent les arrivées au sein d’une province.

À cet égard, plusieurs seront étonnés d’apprendre que parmi toutes les provinces c’est au Québec qu’on observe le moins grand nombre de départs en pourcentage de la population. Au cours de la période étudiée, le Québec a connu en moyenne une migration sortante annuelle de 5,4 personnes par tranche de 1 000. L’Ontario, la province ayant obtenu le second résultat le moins élevé, a connu une migration sortante de 7,4 personnes par millier de population.

En revanche, c’est le Québec, à l’échelle du Canada, qui détient la moins grande capacité à attirer les personnes provenant des autres provinces, et de loin. En moyenne, au cours de la période à l’étude, le Québec a attiré annuellement 3,5 personnes par tranche de 1 000. L’Ontario est parvenu à attirer le double du taux de migration entrante du Québec pendant la même période, soit 7,5 personnes par tranche de 1 000. C’est sans surprise l’Alberta qui a connu le taux de migration entrante le plus élevé avec 26,8 personnes par millier de population.

Au fil des ans, plusieurs raisons ont été évoquées pour expliquer la piètre capacité du Québec à attirer des migrants en provenance du reste du pays. La prédominance du français comme langue d’usage dans la province constitue assurément l’une d’elle. Il serait cependant trop facile de brandir l’excuse du facteur linguistique. En effet, des études antérieures ont montré que les principales raisons découlent du contexte économique de la province, laquelle figure depuis longtemps au bas du classement canadien pour ce qui est du taux de chômage et du revenu par habitant. De toute évidence, la lourdeur du fardeau fiscal et le niveau élevé de l’endettement public contribuent à faire du Québec une destination peu attrayante pour les autres Canadiens.

Cette incapacité à attirer les gens de l’extérieur constitue un signe de l’existence d’un problème de fond dans la province, qui ne pourra être résolu que lorsqu’il sera entièrement reconnu, et seulement lorsque ses dirigeants politiques se seront engagés à y remédier. D’ici là, cette situation demeurera un phénomène courant.

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